D’ une Coustume ancienne qui estoit en France de crier Noüel pour signification de joye publique.
CHAPITRE XVI.
Entre tous les mysteres de nostre Evangile, il n’ y en a pas un auquel nous apportions plus de devotion qu’ en la Nativité de nostre Seigneur. Car encores que sa mort & passion soit le vray point où commença de reluire nostre Christianisme plus qu’ en tous les autres, comme dit sainct Augustin, & qui produisit des miracles lesquels n’ avoyent point esté faicts auparavant ce sacré mystere, comme l’ abandonnement de nos biens au profit de l’ Eglise: Toutesfois nostre Eglise apporte plus de sousmissions dans le Symbole des Apostres que l’ on dit devant l ‘ elevation du Corpus Domini à la Messe, en l’ article de la Nativité qu’ en tous les autres. Par ce qu’ en ces mots, Et homo factus est, chacun avecques une sousmission de sa teste s’ agenoüille. Ce qu’ il ne fait en tout le demeurant du Credo: Et tout ainsi que nous sommes six sepmaines à faire abstinence le Quaresme avant la Passion de nostre Seigneur, aussi ne sommes nous pas moins de temps à nous esjouyr devant les festes de Noüel, que nous appellons les Avants: Et en ma jeunesse c’ estoit une coustume que l’ on avoit tournee en ceremonie, de chanter tous les soirs presque en chaque famille des Noüels, qui estoient chansons spirituelles faites en l’ honneur de nostre Seigneur. Lesquelles on chante encores en plusieurs Eglises pendant que l’ on celebre la grand’ Messe le jour de Noüel, lors que le Prestre reçoit les offrandes. Or cette allegresse se manifesta encores hors les Eglises: Parce que le peuple n’ avoit moyen plus ouvert pour denoter sa joye, que de crier en lieu public Noüel, quand il vouloit congratuler à un Prince. Aux registres de la Chambre des Comptes, le Greffier soucieux d’ enregistrer ce qui se faisoit de solemnel dans la ville de Paris recitant le Baptesme de Charles VI. dans l’ Eglise S. Paul dit que le 3. Decembre 1368. nasquit Charles sixiesme, qui fut tenu sur les fons en l’ Eglise sainct Paul lez Paris, par Charles Seigneur de Montmorency, & que lors y avoit une grande multitude de peuple qui commença de crier Noüel. Jean Duc de Bourgongne apres avoir fait assassiner le Duc d’ Orleans, revint dans Paris. Monstrelet dit au chapitre 37. du premier livre que les Parisiens en furent si joyeux, qu’ à son arrivee les petits enfans crioyent par les ruës Noüel. En l’ an 1429. Philippes Duc de Bourgongne ramena sa soeur au Duc de Bethfort dans Paris, à la venue duquel fut faite moult grand joye des Parisiens (dit le mesme Monstrelet) si y crioit-on Noüel par tous les carrefours où ils passoient. Quant Charles VII. fit son entree dans Paris 1437. il y avoit (dit le mesme Autheur), si grande multitude de peuple par les ruës qu’ à peine pouvoit-on passer. Lequel en divers lieux crioit à haute voix tant qu’ il pouvoit Noüel pour la joyeuse venuë de leur Roy, & naturel Seigneur, & de son fils le Dauphin. Cela mesme est fort frequent dans l’ Histoire de Louys XI. que l’ on appelle la mes disante laquelle on a chastree en quelques endroits.