Des remedes dont les Princes estrangers userent contre les censures Apostoliques, & interdictions de leurs Royaumes, ensemble de ceux que nous y avons apporté sous la troisiesme lignee de nos Roys.
CHAPITRE XI.
Vous avez peu recueillir par le precedent chapitre de quelle façon les Empereurs, Roys, & Princes estrangers furent mal menez par les Papes, & le peu de moyen qu’ ils eurent de s’ en garentir: Chose à mon jugement qui provint, parce qu’ ils leurs voulurent faire teste par la voye de fait seulement. Les aucuns prenans les armes en main pour les combatre: les autres estimans avoir beaucoup faict pour eux, quand ils avoient empesché que le Legat envoyé de Rome, ne peut entrer dans leurs pays, pour publier les fulminations: & les derniers en leur opposans des Antipates. Remedes nullement propres à ce mal. Par ce que ceux qui s’ armoient, perdoient de plus en plus le cœur de leurs subjects, voyans leurs Princes non seulement excommuniez, mais encores affliger par armes ouvertes le S. Siege. Et quant aux seconds, ils se trompoient grandement: Car le son de la trompette de Rome pouvoit donner jusques à eux, & les derniers non seulement ne fermoient la playe, mais introduisoient un nouveau schisme en l’ Eglise. Nous seuls entre toutes les autres nations, avons eu ce privilege special de n’ estre exposez aux passions dereglees de ceux qui pour être pres des Papes vouloient abuser de leur authorité à nostre desadvantage. Car nous avons eu de tout temps & ancienneté, trois grandes propositions qui nous ont servy de bouclier: Propositions non point fondees sur la voye de fait, ains de droict, n’ ayans opposé aux censures Apostoliques que le glaive spirituel. La premiere est que le Roy de France ne peut etre excommunié par l’ authorité seule du Pape. La seconde, que le Pape n’ a nulle jurisdiction ou puissance sur le temporel des Roys: La derniere, que le Concil general & universel est dessus le Pape. En tant que touche le premier poinct, je ne veux pas dire que noz Roys soient francs & exemps de censures Ecclesiastiques, & que par ce moyen ils se puissent donner toute bride: mais bien qu’ ils ne peuvent être censurez par la seule main du Pape. Soubs la lignee du grand Clovis, nos Roys ne cognoissoient en rien les fulminations de la Cour de Rome, encores qu’ en leur histoire il y ait eu 2. ou 3. particularitez qui meritoient bien d’ être censurees. Et combien que sous la 2. lignee, les Papes eussent commencé de s’ aprivoiser de la France, par la correspondance qui avoit esté entr’ eux & le Roy Pepin, & que depuis sous la troisiesme, ils y eussent pris grand pied, si est-ce que jamais nous ne voulumes tolerer en France, qu’ ils excommuniassent nos Roys de leur authorité absoluë. La police que l’ on y tint, fut d’ envoyer un Legat en France, & de faire assembler un Concil National, par lequel nos Roys estoient excommuniez, s’ ils vouloient s’ opiniastrer en leurs fautes. Ainsi fut-il pratiqué contre le Roy Lothaire, de la famille de Charlemagne, par le Pape Nicolas premier. Ainsi contre le Roy Philippes premier par Urbain second, au Concil de Clairmont. Proposition que je verifieray plus amplement au prochain Chapitre.
Au regard du temporel, nous en avons encores moins douté, toutesfois parce que les courtisans de Rome tiennent formellement le contraire, je vous veux icy representer un placard digne d’ être enchassé dans ce livre. Sous le regne de Charles cinquiesme, dit le Sage, fut fait un livre en Latin, plain d’ erudition & doctrine, appellé le Songe du Verger, dans lequel, l’ autheur represente deux Roynes, la Puissance Spirituelle, & la Temporelle, qui soustenoient diversement leurs grandeurs devant le Roy, par deux Advocats, dont l’ un portoit le nom de Clerc, pour la puissance Spirituelle, l’ autre, celuy de Chevalier pour la Temporelle. Et parce que la memoire de cest œuvre est à demy ensevelie, il me plaist de la ressusciter. Le Clerc par plusieurs grandes authoritez soustient que le Pape a toute puissance sur les Roys, & Monarques, & non seulement sur leurs consciences, mais aussi sur leurs temporels & Royaumes. Chose qu’ il prouve non point par authoritez sophistiques, telles qu’ un tas de copistes ignorans de Cour de Rome, ont voulu faire passer pour Constitutions Decretales, quand ils disent qu’ il y a deux grands luminaires, le grand & le petit, plus que In principio Deus creavit cœlum & terram, & que S. Jean n’ avoit point dit In principiis, pour monstrer que le Ciel & la terre obeïssoient au seul Siege de Rome, & autres telles frivoles qui viennent plus au scandale, qu’ augmentation de la dignité du sainct Siege. Mais bien d’ une plus haute luite pour terrasser le Chevalier, il remonstre que nostre Seigneur Jesus-Christ estoit Seigneur de toutes choses spirituelles & temporelles, auquel estoit par l’ organe du Roy David, Prophete de Dieu, dit. Demande-moy, & je te donneray gens & heritage, & seront tes possessions jusques à la fin de la terre: & ailleurs qu’ il estoit Seigneur des Seigneurs, & Roy des Roys: & en un autre passage, qu’ au Seigneur appartenoit la terre, & toutes ses appartenances. Leçon qui n’ estoit point escrite de la main des hommes, ains envoyee de Dieu, & dictee par son sainct Esprit. De laquelle nous pouvions recueillir l’ authorité du sainct Siege. Parce que nous ne revoquions point en doute que S. Pierre ne fust le grand Vicaire de nostre Seigneur Jesus-Christ. Consequemment que tous ces mesmes privileges avoient esté transmis en luy & ses successeurs. Qui ne sont pas petites remarques, pour monstrer que le Pape ne se donne point sous faux titre ceste authorité sur les Roys. Toutesfois le Chevalier y respond si pertinemment, que je m’ asseure que celuy qui lira ces presens discours, sans être preoccupé de passion, luy donnera gain de cause. Parce, dit-il, qu’ il faut considerer en nostre Seigneur deux temps, celuy d’ humilité avant sa mort & Passion, celuy de gloire lors qu’ apres sa Resurrection, il fut monté aux Cieux. Que tous les passages que l’ on allegue de David se rapportent au temps de sa gloire, mais quant à son estat d’ humilité, il ne se voulut jamais donner aucune prerogative sur les biens, & encores moins sur les Princes & Seigneurs terriens. Et c’ est pourquoy estans semonds par quelques particuliers de vouloir être arbitre de leurs partages, il respondit qu’ il n’ estoit venu en ce bas être à cest effect, & refusa de s’ en mesler. D’ ailleurs il dit qu’ il failloit rendre à Cæsar ce qui appartenoit à Cæsar, & à Dieu ce qui appartenoit à Dieu. Et estant mesme devant Pilate, il recogneut franchement que son Royaume n’ estoit de ce bas monde. Concluant ce Chevalier que quand nostre Seigneur fit sainct Pierre son grand Vicaire, ç’ avoit esté pour le representer en l’ estat de l’ humilité, non en celuy de sa majesté & gloire. Comme aussi luy donna-il fermement les clefs des Cieux, non de la terre, pour nous enseigner qu’ il luy donnoit seulement la charge du spirituel. A quoy je puis adjouster non mal à propos, que quand sainct Pierre, poussé d’ un zele extraordinaire, frapa Malchus de son glaive pour secourir nostre Seigneur, il en fut blasmé par luy, comme n’ establissant pas son regne sur les armes materielles. Chose mesme qui fut trouvee de si mauvaise grace, que trois des Evangelistes ne l’ oserent nommer recitant ceste histoire pour le respect qu’ ils luy portoient, & ne sçeussions qui estoit l’ Apostre, si sainct Jean ne se fust donné la liberté de le dire, par une authorité tres-grande qu’ il avoit entre les autres trois Evangelistes. J’ adjousteray qu’ il ne faut point plus asseuré commentaire de ceste saincte leçon que le tiltre que la posterité de sainct Pierre voulut choisir, quand les Papes en leur premiere & ordinaire qualité s’ intitulerent Serfs des Serfs, pour nous monstrer qu’ ils espousoient le tiltre d’ humilité, auquel nostre Seigneur avoit surrogé sainct Pierre. Toutes lesquelles considerations nous enseignent que c’ est à juste raison que nostre Eglise Gallicane a de toute ancienneté soustenu que la puissance temporelle de nos Roys ne despendoit en riens de l’ authorité du S. Siege. Reste doncques le dernier poinct par lequel nous croyons aussi que le Concil general & universel est par dessus le Pape. Jamais la Faculté de Theologie de Paris n’ eut un plus grand Theologien, que Maistre Jean Gerson, duquel nous avons un discours, dont le tiltre est, De Auferibilitate Papae ab Ecclesia, par lequel il nous enseigne, non qu’ il faille supprimer le Pape de l’ Eglise Catholique, mais bien qu’ il estoit en la puissance du Concil general assemblé, de le faire demettre selon les occurrences d’ affaires: & de fait, ainsi fut-il jugé & ordonné par le grand Concil de Constance.
Voila en somme les trois propositions par lesquelles nous avons fait bouclier contre les assauts de la Cour de Rome, lors que sans subject elle s’ est voulu armer contre nous. De maniere qu’ en telles induës entreprises, nous appellasmes des censures Apostoliques au Concil futur general: auquel combien que le Pape deust presider, si est-ce que la pluralité des voix le pouvoit, & devoit emporter. C’ estoit encor un brin de nos premiers privileges: parce que nous ressouvenans de nos anciens Concils, nous pensasmes, qu’ il y falloit avoir recours comme à un ancre de dernier respit. Et seroit impossible de dire combien ceste ressouvenance profita depuis à l’ Eglise Chrestienne, Tesmoin le Concil de Constance par moy presentement touché, tesmoin le Concil de Basle. Et se comportans nos Roys en ceste façon, non seulement ne leur prejudicia l’ excommunication de l’ Eglise Romaine (car l’ appel en suspendoit l’ effect) & encores moins furent estimez heretiques, mais au contraire demourerent en reputation de tres-fideles & Catholics, & fils aisnez du S. Siege Apostolic; & comme tels furent, entre tous les Princes Chrestiens, appellez Roys tres-Chrestiens: leur apportant cela un autre grand bien: car ny les Prelats, ny la Noblesse, ny le demourant du peuple, ne se desbanderent d’ eux, quelque respect & reverence qu’ ils portassent au S. Siege. Je veux dire quand les sujects ne couvoient aucune ambition particuliere en leurs ames au prejudice de la Couronne, & qu’ il n’ y alloit que de la querelle de Rome encontre nous. En cas semblable les Princes estrangers, qui à la suitte de telles censures & interdictions d’ un Royaume, aiguisent aisément leurs cousteaux contre le Prince excommunié, toutesfois ne s’ oserent jamais mettre de la partie contre nous. Voire nous succederent les choses si à propos, que combien que les Papes se formalisassent en toute extremité contre les Empereurs, pour les investitures des Evesques, si ne nous oserent-ils jamais heurter pour nostre Regale, qui ne s’ eslongne pas grandement des investitures. Je le vous verifieray par un exemple singulier. Boniface VIII. voulant ioüer mesme personnage contre Philippes le Bel, que Gregoire VII. avoit fait contre l’ Empereur Henry IV. luy envoya l’ Archidiacre de Narbonne, porteur d’ unes bulles dont la teneur estoit telle. Bonifacius Episcopus Servus servorum Dei, Philippo Francorum Regi, Deum time & mandata eius observa. Scire te volumus quod in temporalibus & spiritualibus, nobis subes. Praebendarum, ad te collatio nulla spectat: Et si aliquarum vacantium custodiam habeas, earum fructum successoribus reserves, & si quas contulisti, collationem haberi irritam decrevimus, & quatenus processerit revocamus. Aliud credentes fatuos reputamus. Datum Lateranensi, quarto Nonas Decembris, Pontificatus nostri anno sexto. Ces bulles ayans esté presentees, l’ Archidiacre cita à Rome tous les Archevesques, Evesques, & Docteurs en Theologie, au premier jour de Novembre ensuivant, pour respondre sur ce que dessus: Le Roy commanda au porteur de vuider promptement du Royaume, & neantmoins fit une responce à Boniface plus brusque que n’ estoient ses bulles. Philippus Dei gratia, Francorum Rex, Bonifacio se gerenti pro summo Pontifice, salutem modicam, sive nullam. Sciat tua fatuitas, in temporalibus nos alicui non subesse, aliquarum Ecclesiarum & præbendarum vacantium collationem, ad nos iure regio pertinere, & percipere fructus earum, & contra omnes possessores utiliter nos tueri. Secus autem credentes fatuos reputamus. C’ estoit trop hardiment r’ envié sur les pretensions du Pape. En quoy certes je souhaiterois qu’ avecq’ plus de sobrieté & modestie, il eust defendu ses droicts. Non pas en faveur de Boniface, que je ne mets au nombre des bons Papes, ains pour l’ honneur de la dignité Pontificale. Cecy appresta matiere de nouvelle guerre entre l’ Eglise de Rome, & nous. Parce que Boniface commença de proceder à belles censures contre le Roy, absolvant tous ces sujets du serment de fidelité, & par mesme moyen mit en interdiction le Royaume: duquel il fit present à Albert Empereur d’ Allemagne, qu’ il couronna Roy de France. C’ estoit assez pour estonner de primeface un Roy: mais luy sage & avisé, assembla toute son Eglise Gallicane, & par son avis appella de ces censures, au futur Concil general. Quoy voyant l’ Empereur, & que ceste interdiction n’ avoit desarroyé les membres d’ avecq’ le chef, se contint dedans ses limites. Dont Boniface indigné, pour n’ avoir peu attaindre au dessus de ses entreprises, mourut de despit. Qui occasionna le peuple de dire qu’ il estoit mort de rage, & ses ennemis, qu’ il mourut enragé: Tournans en parole d’ effect ce qui estoit de Metaphore. Duquel exemple vous pouvez recueillir les trois propositions de nostre France, par moy cy dessus discouruës, que nous avons de tout temps & ancienneté tenuës pour fermes & stables, sans nous separer en nostre Eglise Gallicane, de l’ obeïssance & honneur que nous devons au sainct Siege.
Il n’ est pas qu’ un Bachelier en Theologie, ayant au College de Harcourt entre autres articles de ses propositions mis cestuy. Qu’ il estoit en la puissance du Pape d’ excommunier un Roy, & donner son Royaume en proye, & d’ affranchir ses sujects du serment de fidelité qu’ ils avoient en luy, quand d’ ailleurs il se trouvoit favoriser les Heretiques. Ceste proposition avoit esté mise en avant pour être disputee par le pour & par le contre, sans en faire une resolution affirmative: toutesfois le Parlement estant adverty de ce qui s’ estoit passé, ne peut passer par connivence, que les Escoliers fussent si osez, que de mettre la grandeur du Roy en dispute, & de fait par Arrest du quatriesme Decembre 1561. ceste proposition fut declaree seditieuse: Et d’ autant que ce Bachelier n’ avoit peu être pris au corps, pour s’ estre sauvé de vitesse, il fut ordonné que le Bedeau de la Sorbonne, habillé d’ une chappe rouge, en presence de l’ un des Presidents de la Cour, & de quatre Conseillers, & des principaux de la Faculté de Theologie, declareroit que temerairement & follement ceste proposition avoit esté soustenuë: & parce que ceste question avoit esté mise sur le tablier, & soustenuë au College de Harcour, defenses furent faite d’ y disputer publiquement de la Theologie, l’ espace de quatre ans ensuivant. Verité est que depuis cinquante ans en ça, se vint planter au milieu de nous une nouvelle Secte portant le nom de Jesuites, laquelle a ses propositions du tout contraires aux nostres, à la ruine de nostre Estat. Et parce qu’ en l’ an 1564, l’ Université de Paris me fist cest honneur de me choisir pour son Advocat, & que je plaiday en plain Parlement sa cause encontr’ eux, j’ ay reservé pour la closture de ce troisiesme livre, le plaidoyé que j’ en fis lors, le voulant faire passer pour chapitre.
Au demourant pour fermer ce que je pense appartenir au present suject, encores veux je adjouster cecy. Tout ainsi comme aux jeux & comedies qu’ on represente sur un theatre, chacun y entre pour son argent, & se donne Loy de juger des bien ou malseances des Comediens, ainsi en advient-il aux Republiques. Les grands, en maniant les affaires d’ Estat, joüent tels roolles qu’ il leur plaist. Les petis en sont spectateurs à leurs despens, & pour n’ être employez aux grandes charges, il leur reste seulement loisir de juger des coups. Permettez-moy doncq’ je vous prie, de dire ce qu’ il me semble de tout ce fait: Les vrayes armes dont les Papes veulent user contre les Princes souverains sont les censures, à la suitte desquelles ils couchent de l’ interdiction des Royaumes, dont ils laissent l’ execution à ceux qui ont les armes en main, pour s’ en impatroniser, sous leur adveu & authorité. He vrayement if faut que la maladie soit merveilleusement aiguë en laquelle on employe ceste medecine. Or puis qu’ il la faut employer, nul n’ a tant d’ interest qu’ elle face ses operations que le Pape: autrement il diminuë d’ autant de reputation envers tous les peuples: Et n’ y a riens qui la face tant operer dans nos ames que le respect que nous luy portons. C’ est pourquoy si j’ estois capable de conseillier en si haut subject, je dirois qu’ il y a trois circomstances qu’ il faut soigneusement garder en ceste affaire. Premierement que voz censures ne soyent trop communes & triviales. Secondement que ne fermiez point trop rigoureusement la porte aux Princes qui vous reblandissent avecques humbles soubmissions. Et finalement que dedans vos censures il n’ y ait point d’ ambition cachee, en faveur de quelque autre Prince, dont vous esperez commodité, ou craignez incommodité. Le premier poinct cause le mespris. Le second fait oublier le chemin de Rome. Tellement qu’ en interdisant un Royaume, vous mettez sans y penser une ville en interdiction, qui n’ est riche que des deniers qui proviennent des autres Provinces. Miserable est la vengeance, quand en vous vengeant d’ un ennemy, vous vous vengez de vous mesmes. J’ adjousteray, que ce pendant pour ne laisser fluctuer en incertitude les dignitez Ecclesiastiques d’ un pays, & a fin qu’ elles ne demeurent veufves & denuees de Pasteurs, la necessité fait trouver des voyes extraordinaires pour y pourveoir, lesquelles par un long usage se peuvent tourner en ordinaires, n’ y ayant plus violent & certain tyran sur nos actions que l’ accoustumance. Et ne considerez pas que fermant la voye de Rome, faites ouverture à une chose que tous les Politics souhaitent. Qui est de ne transporter point l’ or & l’ argent hors de leur Royaume, sous pretexte des provisions beneficiales. Le plus grand secret qu’ il y a en cest affaire, est, que tout ainsi que Dieu, qui ne desire riens tant que d’ être appellé le Pere commun de nous tous, & comme tel ouvre ses bras à ceux qui le reclament dignement, aussi le Pape estant son Vicaire, & portant pareil tiltre de Pere, doit pratiquer la parabole de l’ enfant prodigue à l’ endroit du Prince qui retourne par devers luy: & penser que les ceremonies que les Courtisans y desirent, font oublier la devotion. Bref, que comme l’ enfant doit obeïssance à son Pere, aussi le Pere est obligé de n’ irriter point son enfant. Car pour le regard du dernier poinct, qui concerne les factions secrettes que l’ on couvre du masque de censures, je ne veux, ny ne puis croire qu’ elles se logent dedans Rome. Parce que si elles s’ y logeoient, ce seroit l’ accomplissement de malheur, qu’ un Prince fournist à son ambition detestable, sous le nom & aux despens de la Religion Catholique Apostolique de Rome. Cela pouvoit autresfois passer sans scandale, lors que les consciences estoient plus retenuës en l’ obeïssance des Papes, mais maintenant c’ est tout autre discours. Le siege de Rome est comme une grande bute contre laquelle plusieurs peuples descochent aujourd’huy leurs fleches. L’ heresie de Martin Luther, & de Jean Calvin bastie sur quelques abus, les y convie comme à un festin: Et Dieu sçait si ceux-là avoient le moindre sentiment de ceste scandaleuse negotiation, *esguiseroient, & leurs esprits, & leurs plumes, pour declamer contre ces *censures. Je ne pense point certes qu’ il y ait armes qu’ il faille tant craindre dans Rome que la plume. C’ est où je finiray ce chapitre. Et Dieu vueille que ces miens discours soient digerez par ceux qui tiennent le gouvernail du S. Siege, de mesme devotion, comme je les ay escrits.