3. 7. Du Pallium que le Pape Gregoire premier envoya à quelques Prelats de la France,

Du Pallium que le Pape Gregoire premier envoya à quelques Prelats de la France, & que l’ ambition d’ un costé, & l’ affliction des Prelats d’ un autre, cuiderent intervertir sous la premiere lignee de nos Roys, la Liberté de nostre Eglise Gallicane. 

CHAPITRE VII. 

La familiarité tant de ceste Royne, que de ses enfans, avecq’ le Pape, encores que ce ne fust si ainsi le faut dire, qu’ un esclair, si cuida-elle couster quelque chose à la liberté ancienne de nostre Eglise Gallicane, par l’ ambition de quelques particuliers Evesques. Il y a deux choses qui ont nuit à nos libertez selon la diversité des temps: l’ ambition, & en apres l’ affliction des uns & des autres: & ces deux particularitez se sont aucunement trouvees en ceste premiere lignee. 

Car pour deduire sommairement le premier poinct, il ne faut faire nulle doute, qu’ encores que nos privileges fussent tels que j’ ay cy dessus discourus, & que nos Prelats passassent toutes les affaires de leurs Eglises dedans l’ enclos de ce Royaume, si est-ce qu’ il ne faut douter que le sainct Siege de Rome ne fust infiniement respecté par toutes les Eglises de l’ Europe, & specialement en ceste France. De là vient que quand l’ on escrivoit aux Evesques, toute la plus belle remarque d’ honneur qu’ on leur pouvoit bailler, estoit de les dire dignes du Siege Apostolic de Rome: Et ainsi Clovis escrivant aux Evesques de France, à l’ ouverture du premier Concil d’ Orleans, disoit: Domnis Sanctis, & Apostolica sede dignissimis. De là, si en leurs Concils ils ramenoient en usage quelque Decret ancien, ils pensoient beaucoup faire pour eux de le puiser de l’ Eglise de Rome, comme de la source, & fontaine de nostre foy: ainsi que vous pourrez voir par les trois, & vingt-cinquiesme articles du troisiesme Concil d’ Orleans. Et à peu dire, ce grand Gregoire de Tours parlant de la retraicte que Brice fit à Rome. Ad Papam urbis dirigit (dit-il) sans faire mention de Rome. Lesquelles paroles ne peuvent être renduës de telle force en nostre langue, comme elles sont en la Latine: mais, si je ne m’ abuse, sortans de la bouche d’ un si grand Prelat, nous pouvons aucunement par cest eschantillon juger que ce Siege estoit grandement respecté & honoré par les nostres.

Or s’ estoit lors, & quelques annees auparavant introduict une coustume en l’ Eglise de Rome d’ envoyer le Pallium à uns & autres Evesques, qui estoient ses diocesains: & ceux ausquels il estoit envoyé se ressentoient presque de mesmes prerogatives & authoritez que le sainct Siege, comme si ç’ eussent esté les Collateraux du Pape. Presque de la mesme façon qu’ estoient à l’ endroit des Empereurs sur le declin de l’ Empire ceux qui estoient par eux honorez de la dignité de Patrice, laquelle estoit non seulement donnee à ceux qui estoient de la suitte des Empereurs, mais aussi diversement à uns, & autres Princes estrangers. Ce fut la cause pour laquelle quelques Evesques Bourguignons, & Provençaux, desirerent en ceste France être gratifiez de cest honneur par sainct Gregoire, a fin de preceder tous les autres Evesques de ceste France par une nouvelle entreprise. Le premier qui le poursuivit fut Vigile Archevesque d’ Arles, & interposa à cest effect l’ authorité du Roy Childebert deuxiesme du nom, qui en escrivit à Sainct Gregoire: lequel ne voulant perdre l’ occasion d’ user de son benefice, par le moyen duquel il gagnoit autant, en donnant, comme l’ autre en recevant, le luy confera tres-volontiers. Mais avecq’ un grand appareil de langage, comme estant une nouvelle leçon qu’ il vouloit enseigner à la France, laquelle vous trouverez au quatriesme de ses Epistres. Nous vous commettons (escrivoit-il à Vigile) pour nous representer avecq’ l’ aide de Dieu en tout le Royaume de Childebert nostre fils, comme il est aussi observé en tous les Metropolitains par ancienne usance, vous envoyant le Pallium, pour en user seulement dans l’ Eglise, lors qu’ on celebrera la Messe. Que si quelque Evesque veut deguerpir son Diocese, & aller voyager bien loing, defenses à luy de ce faire sans vostre permission. Et au surplus s’ il se presente quelque difficulté sur la Foy, ou autres causes de consequence qui ne puissent être bonnement vuidees par un seul, appellez douze Evesques avecq’ vous pour la terminer, & si en vostre assemblee n’ en pouvez venir à chef, renvoyez le tout à nostre sainct Siege. 

Ceste legation ainsi donnee à Vigile sous le pretexte de ce Pallium, sainct Gregoire en escrit puis apres à tous les Evesques des Gaules, & leur enjoint de luy obeïr, comme à un Vicegerant du sainct Siege. Mesmes que s’ il intervenoit quelque different entre les Evesques, il soit decidé par Vigile. Et specialement que toutes & quantesfois qu’ il voudroit assembler un Concil par la France, on eust à luy obeïr. Et au bout de tout cela, il escrit à Childebert, que pour le gratifier, il avoit donné à Vigile le privilege tel que dessus. C’ estoit en bon langage une entreprise nouvelle sur les anciennes franchises & libertez de nostre Eglise Gallicane en trois articles. L’ un en ce que si cela eust sorty effect, on prejudicioit à tous les Metropolitains de la France, ausquels on donnoit un Chef, lequel pouvoit prendre Jurisdiction sur ceux qui n’ estoient de sa Province. Le second que l’ on ostoit l’ usage des Concils Provinciaux, remettant au Consistoire des douze Evesques tels qu’ il eust pleu à Vigile de choisir, la decision tant des causes, que de la foy. Et finalement S. Gregoire, vouloit que les grandes causes fussent renvoyees devant luy à Rome. Ce qui n’ estoit jamais auparavant advenu: car le dernier ressort de tous les differens de la Cour d’ Eglise en ceste France, estoient les Concils qui se faisoient par le Metropolitain avecque ses Evesques Provinciaux.

De mesme façon voulut-il gratifier Hiagre Evesque d’ Autun, par les prieres & intercession de Brunehault. Toutesfois je ne trouve point que jamais l’ indult octroyé à ces deux Prelats, ait porté coup, ne qu’ ils eussent jamais iouy de ce privilege extraordinaire, & ay mesmes de propos deliberé fueilleté tous les Concils de ce temps-là, pour voir si en la soubscription, Vigile, & Hiagre avroient eu quelque particuliere preseance, mais je n’ en ay trouvé un tout seul. Qui monstre que ce fut seulement un tiltre de parade, qui demoura pardevers eux sans aucun effect. 

Voilà l’ un des premiers traicts, par lequel l’ ambition de quelques Prelats de la France voulut prejudicier à nos anciennes Libertez: & ainsi que l’ ambition des uns, aussi l’ affliction des autres faillit d’ y apporter quelque dommage & nuisance. La grandeur des Papes s’ est faite par deux voyes du tout contraires. Au spirituel, pour avoir supporté les plus foibles contre les Ecclesiastics, les plus forts, & authorisez de puissance, leur baillant aisément la main pour semondre un chacun à les reclamer. 

Au temporel, en s’ allians des Princes les plus forts, & laissans le party des plus foibles, quelque ailiance qu’ ils eussent auparavant avecq’ eux. J’ ay dit que l’ affliction de quelquesuns faillit de nous prejudicier. Ce fut que quelques Evesques comdamnez par la voye ordinaire de France, je veux dire par les Concils Provinciaux, ne s’ en voulurent contenter, ains brisans la discipline commune, choisirent la voye de Rome. Enquoy neantmoins nos affaires se conduisirent de telle façon, ou que les Papes sagement n’ en voulurent prendre cognoissance, comme ne pensans qu’ ils le deussent faire, ou s’ ils le firent, cela n’ eut pas longue suitte. Or de ceux-cy, encores n’ y eut-il pas de grands exemples, non plus que des ambitieux, & neantmoins il y en eut quelques-uns. Le premier des nostres que je voy s’ estre retiré à Rome, fut Maxime Evesque Gaulois, devant la venuë de nos Roys, lequel estant accusé de l’ heresie Manichienne, & luy ayant esté baillé assignation pour comparoir à un Concil que l’ on devoit assembler à ceste fin, se retira par devers le Pape Boniface premier, pensant par ce moyen rompre le coup à la poursuitte que l’ on faisoit contre luy: mais le Pape ne voulut prendre aucune cognoissance de son fait, ains pria par lettres nos Evesques de luy vouloir accorder certain delay pour comparoir devant eux: A la charge que s’ il defailloit dans le temps qui luy seroit prefix, il seroit declaré attainct & convaincu du cas à luy imposé. Il y avoit beaucoup d’ apparence au Pape de se mettre de la partie en la cause de Brice successeur de sainct Martin, lequel ayant esté dechassé par le peuple de son Archevesché sans cognoissance de cause, pour un adultere dont on l’ accusoit, & s’ estant retiré en la ville de Rome, vous ne trouverez que le Pape y interposast jamais son Decret. Mais bien Brice temporisa sept ans dans Rome à son infortune, jusques à ce qu’ adverty de la mort d’ Anthoine, qu’ on avoit surrogé en son lieu, & du changement de la volonté de ses ennemis, il retourna à son Siege, auquel il fut restably tout de la mesme façon qu’ il en avoit esté jecté, sans cognoissance de cause. Ceux qui semblent avoir fait plus grande bresche à nos privileges sous la premiere lignee de nos Roys, furent deux Evesques recogneuz tres-scelerats par l’ ancienneté, Salon Evesque d’ Ambrun, & Sagitaire Evesque de Gap, dont l’ Histoire est escrite dans le septiesme livre de Gregoire de Tours. Ces deux cy accusez par un autre Evesque nommé Victor, de plusieurs outrages qu’ ils luy avoient faicts & à d’ autres, firent contenance de s’ en vouloir purger: & à ceste fin prierent le Roy Gontran, duquel ils n’ estoient point mal voulus, comme l’ evenement le monstra, que leur fait passast par Concil. Ce que leur aiant accordé, ils furent par Concil tenu à Lyon, privez de leurs Eveschez. Mais eux ayans quelque part en la bonne grace du Roy, luy remonstrerent qu’ ils avoient esté injustement condamnez, le suplians de leur permettre de se retirer pardevers le Pape: A quoy le Roy condescendit comme celuy qui les portoit, & avoit conceu un maltalent de ceste condamnation. Estans doncques arrivez à Rome devant le Pape Jean, ils luy remonstrerent qu’ à tort ils avoient esté chassez de leurs Sieges: Au moyen dequoy sans plus ample cognoissance de cause, le Pape, auquel ceste cause avoit esté sous main recommandee par le Roy, commanda qu’ ils fussent restablis, nonobstant le Decret Conciliaire de nostre Eglise. Ce que Gontran qui conduisoit sourdement ceste orne, fit executer du jour au lendemain, & en outre, moyenna une reconciliation entre Victor accusateur, & les accusez, pour apporter quelque pretexte à ceste sentence extrordinaire. A quoy les Evesques de France ne peurent resister, ores qu’ ils y obeïssent malgré eux: & toutesfois encores ne se peuvent-ils lors rendre. Car ils ne s’ attacherent pas à ces deux qu’ ils voyoient être notoirement portez par le Roy, mais bien excommunierent Victor. D’ autant que luy accusateur au prejudice de la sentence donnee à son instigation & pourchas, avoit receu ces deux pretendus Evesques à sa communion. Et au surplus Dieu plus juste, sans comparaison que les hommes ne sont injustes, monstra bien par l’ evenement, combien peu luy plaisoit le jugement donné à Rome. Parce que soudain que ces deux Evesques furent restablis en leurs Sieges, ils recidiverent plus que devant. Tellement que tout ainsi que le Roy d’ une puissance absoluë  assistee de l’ authorité du sainct Siege les avoit remis, aussi puis apres par une volonté de Dieu plus absoluë, il fut contraint de les confiner en des monasteres, & leur bailler gardes, pour leurs deportemens vitieux. Je n’ ay point leu d’ acte ny devant, ny durant la premiere lignee de nos Roys, plus hardy que cestui-cy, par lequel ceux qui presiderent dans Rome s’ en voulurent faire croire contre les Libertez anciennes de nostre Eglise Gallicane. Et toutesfois qui voudra meurement sonder ceste Histoire, il ne s’ en esmerveillera pas grandement. Parce que toute ceste tragedie se conduisoit par la volonté de Gontran. Et c’ est une reigle generale dont son se doit perpetuellement souvenir, que toutes & quantesfois que quelques mignons, & favoris de la Cour conjoingnirent par brigues le consentement de nos Roys avecq’ l’ authorité du sainct Siege pour obtenir quelque chose qui contrevint à nos privileges, c’ est là où nos anciens Evesques se trouverent infiniement empeschez. Et au surplus ce passage, qui semble de prime-face combattre nos Libertez, fait, si je ne m’ abuse grandement, pour nous. Car apres ceste sentence Synodale de Lyon, ces deux Evesques ne s’ oserent pourvoir à Rome, sans permission expresse du Roy. Qui nous enseigne que ce fut par privilege special qu’ ils se pourveurent, & non par le droit ordinaire & commun de la France: car autrement il n’ eust esté besoin d’ obtenir ceste permission. 

Et a fin de vous faire toucher au doigt, & voir à l’ œil ceste liberté ancienne de nostre Eglise, je la vous representeray icy comme sur un grand tableau par un exemple notable. Il n’ y a nul, selon mon advis à qui la Papauté doive tant pour l’ accroissement de sa grandeur en spirituel, qu’ à sainct Gregoire. Car combien qu’ il combatit la qualité d’ Evesque oecumenique & universel contre Jean Patriarche de Constantinople, & qu’ il soustint qu’ il n’ appartenoit à nul Primat de se dire tel: toutesfois sous le tiltre de Serf des Serfs, qu’ il emprunta de Damase, il exerça par effect ce tiltre d’ Universel sur ceux qui estoient de l’ ancienne obeïssance de Rome: Adonc la Sicile, la Dalmatie, la Sardaigne, & une bonne partie de l’ Affrique se recognoissoient estre exposees sous la primace du sainct Siege, ainsi que l’ Egypte sous le Patriarchat d’ Alexandrie, & la Palestine sous celuy de Hierusalem. Lisez toutes les Epistres de sainct Gregoire, il destine tantost un Pierre Soudiacre, tantost un Maximian Evesque de Syracuse, Legats en la Sicile, pour le presenter par tout ce pays-là, & prendre cognoissance de toutes causes, tout ainsi qu’ il eust peu faire, fors & excepté toutesfois qu’ il se reserve la decision des plus grands, qu’ il veut luy estre renvoyez. Il confere des Eveschez à uns, & autres de sa propre authorité, sans attendre l’ eslection du Clergé, ny la confirmation du Metropolitain. Il commande que Reparat soit esleu Evesque en la ville de Salonne en Dalmatie, autrement il ferme les mains aux Eslecteurs: transporte ainsi que bon luy semble les Eveschez d’ un lieu à autre: Unit quelquesfois une, deux, trois parroisses à un monastere, à la charge que les Religieux y avront des Vicaires bien & deuëment stipendiez: Les Eveschez estant ruinees à l’ occasion des guerres, il recompense les Evesques d’ autres Eveschez, sans attendre autre consentement: prend cognoissance des Moines, au prejudice de leurs Ordinaires: confere Diaconez, Archidiaconez, & Cures, (qu’ ils appelloient lors Prestrises) assisses en & au dedans des Eveschez de son obeïssance: Delegue oeconomes, qu’ il appelle Visitateurs, aux Eglises veufves & denuees de Pasteurs (pendant que l’ on procede aux eslections) ausquels il donne toute puissance, fors de conferer les Ordres: Dispensant selon que les occasions l’ admonnestent: cognoist de la cause de Paule Evesque d’ Affrique, que Colombe Evesque de Numidie, & ses Comprovinciaux avoient condamné, & le restituë en entier sans s’ arrester à leur sentence: commet Hilaire Moine d’ Affrique pour cognoistre d’ une cause contre Argense Evesque, de ce qu’ en l’ Eglise il avoit preferé en l’ ordre de Diacre, deux Donatistes, à deux Catholiques, & luy enjoinct à ceste fin d’ assembler un Concil: commande à Sylvaire, Patriarche d’ Aquileïe de venir à Rome, pour faire penitence condigne de l’ opinion erronee, en laquelle il estoit inadvertemment tombé: Enjoinct à Maria Evesque de Ravenne de venir proceder devant luy en Cour de Rome, pour une controverse qu’ il avoit contre un certain Abbé, & luy remonstre qu’ il ne falloit point qu’ il eust honte de ce faire, veu qu’ autresfois le Patriarche de Constantinople avoit suby pareille Jurisdiction: & en un autre endroit il exhorte l’ Evesque de Corinthe, de ne prendre plus argent pour les Ordres Ecclesiastiques, ou bien qu’ il exerceroit contre luy la severité de la cohertion Canonique. Il mande à Noel Evesque de Salonne, qu’ il ait à restablir Honoré en son Archidiaconé, dont il l’ avoit destitué, & s’ il ne le fait qu’ il le privera de l’ usage du Pallium, duquel il l’ avoit gratifié: & si apres cela, il persevere en son opiniastreté, il luy interdira la communion de l’ Eglise. Et ce fait, dit-il, nous verrons puis apres si ceste excommunication n’ emporte à la longue quant & soy perte du tiltre de l’ Evesché. 

Toutes lesquelles rencontres, (qui ne sonnent autre chose que la puissance d’ un Evesque universel, & souverain) ny aucunes d’ elles ne se trouvent avoir esté practiquees par ce grand Pape encontre aucun des Evesques de France, encore qu’ il addresse diverses lettres à uns & autres, & que comme vous avez entendu cy dessus en ce que j’ ay discouru de Vigile, & Hiagre, il ne fust pas sans desir d’ estendre sa puissance Apostolique dessus les Prelats de la France, tout ainsi que sur ceux que j’ ay presentement recitez. Urcissin condamné sous le Roy Gontran au Concil tenu à Lyon, s’ estoit retiré pardevers luy pour en rapporter quelque aide, toutesfois S. Gregoire se donne bien garde de cognoistre de la cause, mais seulement en escrit à Theodebert, & Theodoric Roys, à ce qu’ ils le veulent remettre en son ancienne dignité, comme aussi prie-il Hiagre Evesque d’ Autun, qui avoit grande part en la bonne grace de Brunehault leur ayeule, qu’ il voulust se rendre intercesseur envers elle pour ce pauvre destitué. Il n’ en usa pas ainsi (comme j’ ay dit cy dessus) à l’ endroit de Columbe Evesque de Numidie, & ses Comprovinciaux en la cause de Paule.

Il y avoit lors deux vices en ceste France qui s’ estoient rendus fort familiers aux eslections des Evesques, la Simonie, & l’ abus que l’ on commettoit en faveur des grands Seigneurs. Parce que sous le nom d’ eslection on vendoit par brigues sourdes les Archeveschez & Eveschez. Quoy que soit les Roys y interposans leurs authoritez, ceux qui les approchoient, s’ en faisoient trop plus que souvent croire, au grand scandale de l’ Eglise: & de là s’ ensuivit un autre desordre. Car les Seigneurs s’ estans rendus asseurez pour celuy, pour lequel estoit tissuë  la tresme, on luy bailloit les ordres du jour au l’ endemain, en intention de le faire tout à coup chef de l’ Eglise. Ce dernier poinct avoit esté autresfois pratiqué en faveur de sainct Ambroise à Milan, & de Nectarius à Constantinople, mais non par brigues, ains pour leurs grandes suffisances & capacitez. D’ ailleurs les benedictions, que Dieu par sa saincte grace distribuë à quelques-uns, ne se communiquent pas à tous, & est grandement errer de les vouloir tirer en consequence pour les autres. Ces vices doncques regnans grandement en nostre Eglise de France, Sainct Gregoire n’ y apporte point le cautere, comme il fait contre les Evesques de Corinthe & de Salonne: Mais par une bonté naïfve qui estoit en luy, prie Vigile Archevesque d’ Arles, prie Hiagre Evesque d’ Autun, bien venus envers noz Roys, de s’ estudier totalement à l’ extermination de ces deux monstres. Et non content de ce, en escrit lettres expresses à Brunehault, & en apres à Theodebert, & Theodoric, les suppliant (si ainsi le faut dire à jointes mains) qu’ ils voulussent donner ordre à la reformation de tels abus, & ne permissent que ceste zizanie provignast plus en un Royaume Chrestien comme cestuy. Et certes je ne penseray jamais que ce grand & vertueux personnage y eust procedé d’ un pied si mol, ne qu’ il eust tourné sa puissance absoluë en humbles prieres, pour deux si grands & scandaleux vices, s’ il eust estimé que cela dependoit de sa jurisdiction, luy (di-je) qui n’ obmit jamais la moindre occasion qu’ il pensast pouvoir servir à l’ augmentation de la dignité du sainct Siege. De toutes lesquelles choses je croy qu’ il n’ y a si peu clair-voyant qui ne voye que devant, & durant la premiere lignee de noz Roys, encores que nous vescussions souz la foy Catholique & Apostolique de Rome, comme dependant d’ elle, l’ unité de l’ Eglise universelle: si est-ce que ny noz Roys, ny noz Evesques n’ estoient tenus de passer les monts, ny pour le fait de la discipline de leurs Eglises, ny pour les causes Ecclesiastiques. Et à tant je feray icy une pause pour reprendre un peu mon haleine, & vous discourir cy-apres quelle fut la police de nostre Eglise Gallicane souz les deux autres lignees de noz Roys