Chapitre II.
Ils étaient masculins ou féminins.
L’ article, la terminaison, les faisaient ordinairement reconnaître, et indiquaient le singulier ou le pluriel.
Comme on ne peut pas dire qu’ il existe des CAS dans les langues dont les substantifs ne varient pas leurs désinences d’ une manière qui désigne ces CAS, il m’ a paru plus simple de les distinguer en Sujets et en Régimes, avec d’ autant plus de raison que la langue romane possédait une forme caractéristique, spéciale pour les distinguer.
Au singulier, l’ S final attaché à tous les substantifs masculins et à la plupart des substantifs féminins terminés autrement qu’en A, indiquait qu’ ils étaient employés comme Sujets; et l’ absence de l’ S, qu’ ils l’ étaient comme Régimes directs ou indirects.
Au pluriel, les sujets ne recevaient pas l’ S, qui, au contraire, s’ attachait aux régimes directs et indirects.
Les noms féminins en A, sujets ou régimes, ne recevaient jamais au singulier l’ S final, et l’ admettaient toujours au pluriel.
Les substantifs qui originairement se terminaient en S, le conservaient soit au singulier soit au pluriel, comme Ops, besoin, Temps, temps, Vers, vers.
Concurremment avec cette règle il existait toutefois une forme particulière qui faisait distinguer au singulier le sujet et le régime de quelques substantifs masculins. Ces substantifs reçurent la finale AIRE, EIRE, IRE, comme sujets au singulier, Trobaire, troubadour, Bateyre, batteur, Servire, serviteur, et la finale ADOR, EDOR, IDOR, comme régimes directs ou indirects au singulier, et comme sujets ou régimes au pluriel, Trobador, Batedor, Servidor.
L’ S ne s’ attachait jamais à ces sortes de substantifs au singulier, parce que la terminaison suffisait pour distinguer le sujet en AIRE, EIRE, IRE, du régime direct ou indirect qui était toujours en ADOR, EDOR, IDOR, mais au pluriel, qui avait toujours cette dernière désinence, l’ S marquait les deux espèces de régimes.
Plusieurs substantifs, par leur double terminaison masculine et féminine, pouvaient être employés tour à tour dans le genre qui convenait aux auteurs comme fuelh, fuelha, feuille; joy, joya, joie; ser, sera, soir; dons (: dona), domna, dame: mais alors, pour ce dernier substantif, le pronom possessif qui était joint à dons, était MI, TI, SI, au lieu de MA, TA, SA:
MI dons, SI dons, etc.
EN, placé devant un nom propre masculin, indiqua une sorte de distinction de la personne, et signifiait seigneur, sire: En Peyrols, En Guilems.
(N. E. Creo que de mossen, mon seigneur, senher etc.: ‘N Uc, N’ Anfos.)
NA, au-devant du nom d’ une femme, avait la signification de dame, domiNA: NA Maria, Na Margarida.
Ces signes furent placés même devant les sobriquets ou noms fictifs qui
étaient donnés à des personnes qualifiées.
Ils furent ajoutés quelquefois aux mots qualificatifs senher et domna:
senher EN Enric, domna NA Maria.
NA subissait parfois l’ élision devant les noms qui commençaient par des
voyelles: N’ Agnes pour Na Agnes.
De même, en poésie, pour la mesure du vers, on écrivait indifféremment EN ou N, quand le mot précédent se terminait par une consonne.
Enfin au lieu de EN, on employa aussi DON, DOM, venant de dominus, et qui avait la même signification.
Verbes employés substantivement.
A l’ exemple de la langue grecque et de la langue latine, les présents des infinitifs furent souvent employés substantivement.
Comme sujets, ils prirent ordinairement l’ S final.
Comme régimes ils rejetèrent cet S.
Les régimes indirects furent précédés des prépositions qui les désignaient.
Quelquefois l’ article fut joint à ces verbes, soit sujets, soit régimes; quelquefois ils furent employés sans articles, ainsi qu’on le pratiquait à l’ égard des substantifs mêmes.
Aux verbes employés substantivement s’ attachèrent comme aux véritables substantifs, les pronoms possessifs, démonstratifs, etc., et tous les différents adjectifs; en un mot, ces verbes remplirent entièrement les fonctions des substantifs ordinaires.
Par analogie, les gérondifs furent aussi employés substantivement, et alors ils étaient précédés de l’ article: Al pareissen de las flors, au paraissant des fleurs.